Alors âgé dans la vingtaine, avec quelques parents, j'étais allé
cueillir des bleuets dans une bleuetière du Lac-Saint-Jean. À notre arrivée, le
propriétaire nous assigna un territoire délimité par de la corde à ne pas
franchir. N'avions-nous pas, un de mes frères et moi, tout juste commencé à
récolter la manne bleue, que nous étions déjà à l'extérieur des limites
permises. On trouvait que c'y était beaucoup plus bleu, plus facile et plus rapide
à récolter. Et qu'au demeurant, la gelée proche occasionnerait des pertes
inévitables, alors, pourquoi ne pas choisir les fruits les plus gros? Face à
notre désinvolture et contre toute attente (nous pensions ne pas être
surveillés de près), voilà que le propriétaire s'amène, en colère, nous
enjoignant de bien vouloir regagner le territoire désigné, sous peine d'être
expulsé sans ménagement de sa bleuetière. Notre récolte s'étant avérée très
satisfaisante, nous dûmes admettre, au bout du compte, que nous avions eu les
yeux plus grands que la panse.
Depuis l'avènement du nouveau régime forestier et même avant son
instauration, il y a peu de temps, les compagnies forestières, comme Résolu, et
les organismes de défense de l'industrie forestière au Québec, n'ont pas cessé
de dénoncer cette mesure gouvernementale visant à mieux protéger
"Notre" parterre forestier. La critique la plus souvent émise par les
acteurs de l'industrie forestière veut que le régime, en limitant les
territoires de coupe, diminue leur possibilité forestière. Comme bien d'autres,
je n'y ai jamais cru. Je crois plutôt que les compagnies forestières ont
également les yeux plus grands que la panse. Qu'en outre, Résolu n'a jamais
accepté le contrôle et les contraintes du nouveau régime forestier qui
l'obligent à se domestiquer un peu. Le film de Richard Desjardins, l'Erreur
boréale, a démontré, sans l'ombre d'un doute, l'appétit vorace et démesuré des
compagnies forestières, en même temps que l'empreinte destructrice indélébile
laissée dans nos forêts par ces dernières. Les coupes à blanc, ça vous rappelle
quelque chose?
Mes convictions se sont d'autant confirmées à la lecture d'un article
récemment paru dans le journal, Le Quotidien, sous la plume du journaliste,
Louis Potvin. Au dire du Forestier en chef, monsieur Gérard Szaraz, il y a dans
"Notre" parterre forestier québécois du bois disponible en grande
quantité qui n'attend qu'à être coupé. Et cela malgré la prétention des
entreprises forestières qui déplorent le manque de bois depuis quelques mois.
Ces dernières lèvent le nez sur des volumes de bois qui n'ont pas été
coupés au Québec entre 2008 et 2013 à cause de la récession. On parle dans
l'article de 56 millions de mètres cubes de bois au Québec, dont 4 millions au
Saguenay-Lac-Saint-Jean seulement. J'ai toujours douté de la bonne foi de
Richard Garneau, pdg du Résolu, parce que je l'entends encore dénoncer le
manque de volume de bois disponible à cause du nouveau régime forestier,
pendant qu'il fermait des scieries et des machines à papier à droite et à
gauche. Et à la lumière d'informations récentes, ce n'est pas encore terminé.
Si le bleuet est sensible à la gelée, ce n'est pas le cas du bois.
Marcel Lapointe, Jonquière.
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