C'est le diable caché dans les détails, un
trou dans la loi des collèges, qui remet en question l'exclusivité du programme,
Art et technologie des médias, du cégep de Jonquière. Sinon, le Collège privé André-Grasset n'aurait pu
ouvrir son nouveau programme, Production télévisuelle, lequel, dit-on, se veut
une copie presque conforme du programme du cégep de Jonquière. Pour des raisons
évidentes d'attraction de clientèle et de ressources à la clé, mais encore par
fierté, pour le prestige et la visibilité de l'institution ailleurs en
particulier, les collèges qui en possèdent un, défendent jalousement
l'exclusivité de leur programme phare.
Est-il encore pertinent de maintenir
l'exclusivité de certains programmes collégiaux? La question se pose. Quoi
qu'il en soit, je ne crois pas que la vulnérabilité de ces programmes soumis à
la convoitise d'institutions compétitives soit la même pour tous. Pour
illustrer, quelle institution d'enseignement supérieur au Québec, qu'elle soit
du domaine public ou privé, subventionnée ou pas, serait capable d'offrir un
programme équivalant à celui exclusivement dispensé par le cégep de Chicoutimi
tel, Pilotage d'aéronef? Mais si malgré tout il s'en trouvait une, ce serait
tant mieux!
Je connais quelqu'un qui, dans les années 90, a fait une
demande pour entrer à l'école de pilotage du cégep de Chicoutimi, la seule
école francophone du genre en Amérique du Nord, soit dit en passant. À son
avantage, le jeune, âgé alors de 23 ans, possédait déjà un diplôme d'études
collégiales au général, un baccalauréat en Sciences économiques d'une
université anglophone, était parfaitement bilingue de surcroît. Après avoir
subi l'ensemble des épreuves de sélection pour entrer dans le programme, on
l'avisa par lettre qu'il n'avait pas été choisi, mais que son nom était sur une
liste d'attente composée de quelques candidats, qu’il ne lui restait qu’à
espérer le désistement d'un étudiant déjà sélectionné. Il savait que ses
chances étaient minces, parce que sur 400 demandes d'admission en pilotage,
seulement 40 candidats sont acceptés. Malgré cela, le garçon attendit
anxieusement mais avec un optimisme retenu la bonne nouvelle. Elle ne vint
jamais. Cela mit fin à son rêve de devenir pilote de ligne. Il avait les
aptitudes, seule la loi du nombre joua en sa défaveur. Si un autre cégep, privé
ou public, avait offert le programme, ses chances d'être accepté auraient, sans
doute, été meilleures.
Les directions des cégeps de la région ont
beau faire front commun pour défendre bec et ongle l'exclusivité de leur
programme unique, il me semble que la nuance s'impose. Que la mise en
perspective de l'exclusivité d'un programme collégial devrait aller de soi. Ne
serait-ce qu'au nom de l'accessibilité aux études supérieures, si ardemment
défendue, par ailleurs, par ceux qui promeuvent les études collégiales. En quoi
la viabilité d'un programme collégial qui n'accepte qu'environ10% des candidats
qui font une demande serait-elle mise en danger par une institution sise à
l'autre bout de la province voulant dispenser le même programme? Certains
programmes exclusifs jouissent d'une protection naturelle contre les
compétiteurs. Il est grand temps de questionner une absurdité qui, à mon avis,
a duré assez longtemps. Le "toutourienisme", terme cher à un ancien
collègue de travail, n'est pas la solution.
Marcel Lapointe, Jonquière.
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