Au discours de politiciens américains qui prône l’abolition pure et simple des droits syndicaux, des chantres québécois d’un syndicalisme « low profil » font écho pour plaider en faveur de l’abolition de pratiques syndicales devenues, selon eux, obsolètes, donc nuisibles à l’économie. Dans un contexte d’austérité économique jamais vue depuis la grande dépression des années trente, le syndicalisme est perçu par ses détracteurs comme le dernier rempart à abattre, afin de laisser libre cours au néolibéralisme débridé que nous connaissons.
D’aucuns s’attendent à une révolution en matière de relations de travail et prédisent la fin du militantisme syndical. Ils seraient bien avisés de suivre le déroulement de la prochaine négociation à l’usine Rio Tinto d’Alma. Aux dires d’un chef syndical, ses gars sont bien déterminés à tenir tête à l’employeur; en particulier, sur le dossier de la sous-traitance. La manière dont se soldera cette négociation va donner le ton aux relations de travail dans d’autres milieux de travail.
On veut nous convaincre qu’une révision du syndicalisme tel que nous le connaissons est devenue nécessaire, parce que les nouvelles générations se désintéressent des façons reconnues jusqu’ici de faire de l’action syndicale. Aussi, parce que le nombre de travailleurs autonomes, par nature individualistes, est en progression constante. Enfin, parce que le militantisme syndical ne cadre pas avec les nouvelles réalités de la mondialisation de l’économie.
Mais qui tente, aujourd’hui, de syndiquer des milieux de travail réfractaires tels McDonald, Couche-Tard, Walmart? Qui a pu faire reconnaître le syndicat dans les garderies? Qui fait campagne pour améliorer les conditions de travail dans les foyers privés de personnes âgées? Les comités jeunesse des grandes centrales syndicales existent justement pour faire entendre la voix des futurs travailleurs. Les garderies en milieu familial sont tenues par des travailleuses autonomes, majoritairement de jeunes femmes. Cela ne les a pas empêchées de se syndiquer et de négocier une première convention collective avec l’État.
Des politiciens, éditorialistes, chroniqueurs, patrons influents dénoncent la permanence, cette « vache sacrée », qui protège, selon eux, l’incompétence, au point où des travailleurs non syndiqués (60% au Québec et plus de 80% dans le secteur privé), finissent par les croire et ignorent ce pour quoi ce droit existe : la sécurité d’emploi, même si elle est relative, au demeurant. Parlez-en avec travailleurs dont les entreprises ont fermé ou délocalisé. Et ce « monstre consacré », l’ancienneté, que le syndicalisme devrait sacrifier. L’ancienneté est, depuis longtemps, reconnue, même par l’employeur, pour éviter le fouillis dans l’attribution des postes, des vacances, des mises à pied, notamment. Sinon, allez voir comment cela se passe dans les entreprises privées non syndiquées où l’arbitraire patronal est la règle.
On laisse aussi croire que le syndicalisme militant n’a plus sa raison d’être, parce que l’époque des journées de 16 heures imposées est révolue. Allez raconter cela aux infirmières, dans le milieu hospitalier, obligées de faire des heures supplémentaires au-delà d’un quart régulier épuisant. Révolus, dit-on, les machines dangereuses et les lieux de travail insalubres. Et les tours de bureaux sans fenêtres avec atmosphère confinée alors? Pourquoi ne pas abolir la CSST, tant qu'à y être? Finis les salaires de misère, soutient-on encore. Dans les entreprises privées, non syndiquées pour la plupart, combien ne versent à leurs employés que le salaire minimum? D’une autre époque, les employeurs abusifs, selon certains. Pourquoi, alors, réclame-t-on avec autant d’insistance la syndicalisation dans des champs du privé tels la restauration, l’hôtellerie, les assurances, les finances?
Si la réalité du monde du travail change, une constante demeure: le rapport de forces entre patrons et syndicats. Et cela, que vous viviez à Alma, Berlin, Murdochville ou Gdanz. Les syndicats de chez nous n’ont pas attendu l’avènement de la mondialisation des marchés pour se concerter avec des organisations européennes, états-uniennes ou d’Amérique du Sud. Par exemple, la Fédération internationale du Travail à laquelle est affiliée la FTQ. Les syndicats ont compris leurs intérêts à s’internationaliser bien avant que ne débute la délocalisation massive d’entreprises de toutes sortes.
Le syndicalisme militant reste la meilleure arme entre les mains des travailleurs pour contrer les écueils de la mondialisation, bien que malmenée par des lois du travail devenues désavantageuses pour les syndicats, en regard des progrès technologiques. On a qu’à penser à la loi antibriseurs de grève qui a démontré sa caducité lors du dernier conflit de travail au Journal de Montréal. Des scabs peuvent maintenant assurer à distance la poursuite de la production durant une grève. Le syndicalisme doit réfléchir, entre autres choses, à la façon de récupérer à son avantage la législation du travail.
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