En Angleterre, le respectable organisme "National Foundation for
Educational Research", après avoir comparé des dizaines de milliers de
jeunes Britanniques du primaire en apprentissage intensif d’une deuxième
langue, le français en l’occurrence, avec un groupe-témoin, a conclu qu’il
valait mieux en retarder l’enseignement jusqu’à un âge où l’enfant est le plus
en mesure d"en profiter.
Mais un sondage réalisé par la Fédération des comités de parents du
Québec indique que 87% des parents se disent d'accord avec l'anglais intensif
en 6e année pour favoriser le bilinguisme de leurs jeunes. Sans
compter qu’au cours de la dernière campagne électorale, des applaudissements
nourris partout au Québec pour saluer la mesure ont démontré sa grande
popularité lorsqu'avancée par le chef libéral, Phillipe Couillard, convaincu
qu'il est que le bilinguisme doit se pratiquer jusqu'aux confins des usines. Il
n'en fallait pas plus pour que le nouveau ministre de l'Éducation,Yves Bolduc,
annonce son intention de concrétiser le projet, qui date de 2011 sous le
gouvernement de Jean Charest.
Couac?! L'École Apostolique de Chicoutimi se dotera dès l'automne
prochain d'une classe de 6e année enrichie selon une récente dépêche
fournie par le journal, Le Progrès-Dimanche de Saguenay. Une 6e enrichie
non d'anglais, mais de mathématique et de français, entre autres matières, pour
favoriser une meilleure transition du primaire vers le secondaire. Et si le
choix de l'école Apostolique, pouvant paraître anachronique aux yeux de
certains, avait été guidé par des chiffres émanant de recensements effectués
par la Commission scolaire de Lac-Saint-Jean (CSLSJ) et par Statistique Canada
sur le taux de bilinguisme chez nos jeunes?
La CSLSJ, qui mène un projet pilote d'enseignement d’anglais intensif
depuis 2005, a effectué un recensement en 2011 qui démontre que seulement 10%
de ses enfants francophones âgés de 10 à 14 ans sont bilingues. Pas mieux que
dans les trois autres commissions scolaires du Saguenay-Lac-Saint-Jean où
l'enseignement de l'anglais, qui n’y est pas intensif, montre des taux
variant de 7 à 11%. Alors pourquoi
cette insistance à Québec à vouloir absolument que tous les enfants en fin du
primaire soient exposés à l'anglais intensif, au détriment de matières comme le
français?
D'autres données provenant de Statistique Canada démontrent que ce type
de projet constitue un coup d'épée dans l'eau parce que les chiffres recensés à
Alma, où plus de 60% des élèves fréquentent la CSLSJ, indiquent un taux de
bilinguisme chez les 10-14 ans de 13% en 2001,10% en 2006 et 11% en 2011. À
l'évidence, depuis 2005 que l'enseignement de l'anglais intensif est dispensé à
la CSLSJ, les résultats ne sont pas meilleurs qu'à l'époque ou l'anglais
régulier y était enseigné. Toujours selon Statistique Canada, en 2006, 28% des
15-19 ans étaient bilingues à la CSLSJ, alors qu'en 2011, le taux était de 29%.
Ailleurs au Saguenay-Lac-Saint-Jean ces chiffres sont passés de 21 à 27%. Dans
d'autres régions en province où il n'y a pas d'anglais intensif en
6 e également, comme dans le Bas-Saint-Laurent, 27% des
15-19 ans sont bilingues; en Mauricie et dans le Centre-du-Québec, c'est 36%.
Peut-on alors qualifier d'exceptionnel le niveau de bilinguisme atteint en 2011
par les jeunes francophones du Lac-Saint-Jean?
Dans une chronique récente au Quotidien, Myriam Ségal disait qu'au Lac
Saint-Jean, l'anglais intensif se pratique sans heurt depuis 20 ans. Mais sans
réel avantage en bout de ligne. Et qui sait si cela ne heurte pas la maîtrise
du français? Loin de moi l'idée d'empêcher nos jeunes d'apprendre une deuxième
langue, même une troisième, mais l'enseignement de l'anglais intensif au
dernier cycle du primaire, de surcroit au détriment du français pour y arriver,
n'est pas la solution.
Marcel Lapointe, Jonquière.
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