lundi 28 avril 2014

L'anglais intensif en 6e: un mythe?

               
En Angleterre, le respectable organisme "National Foundation for Educational Research", après avoir comparé des dizaines de milliers de jeunes Britanniques du primaire en apprentissage intensif d’une deuxième langue, le français en l’occurrence, avec un groupe-témoin, a conclu qu’il valait mieux en retarder l’enseignement jusqu’à un âge où l’enfant est le plus en mesure d"en profiter.

Mais un sondage réalisé par la Fédération des comités de parents du Québec indique que 87% des parents se disent d'accord avec l'anglais intensif en 6e année pour favoriser le bilinguisme de leurs jeunes. Sans compter qu’au cours de la dernière campagne électorale, des applaudissements nourris partout au Québec pour saluer la mesure ont démontré sa grande popularité lorsqu'avancée par le chef libéral, Phillipe Couillard, convaincu qu'il est que le bilinguisme doit se pratiquer jusqu'aux confins des usines. Il n'en fallait pas plus pour que le nouveau ministre de l'Éducation,Yves Bolduc, annonce son intention de concrétiser le projet, qui date de 2011 sous le gouvernement de Jean Charest.

Couac?! L'École Apostolique de Chicoutimi se dotera dès l'automne prochain d'une classe de 6e année enrichie selon une récente dépêche fournie par le journal, Le Progrès-Dimanche de Saguenay. Une 6e enrichie non d'anglais, mais de mathématique et de français, entre autres matières, pour favoriser une meilleure transition du primaire vers le secondaire. Et si le choix de l'école Apostolique, pouvant paraître anachronique aux yeux de certains, avait été guidé par des chiffres émanant de recensements effectués par la Commission scolaire de Lac-Saint-Jean (CSLSJ) et par Statistique Canada sur le taux de bilinguisme chez nos jeunes?

La CSLSJ, qui mène un projet pilote d'enseignement d’anglais intensif depuis 2005, a effectué un recensement en 2011 qui démontre que seulement 10% de ses enfants francophones âgés de 10 à 14 ans sont bilingues. Pas mieux que dans les trois autres commissions scolaires du Saguenay-Lac-Saint-Jean où l'enseignement de l'anglais, qui n’y est pas intensif, montre des taux variant  de 7 à 11%. Alors pourquoi cette insistance à Québec à vouloir absolument que tous les enfants en fin du primaire soient exposés à l'anglais intensif, au détriment de matières comme le français?

D'autres données provenant de Statistique Canada démontrent que ce type de projet constitue un coup d'épée dans l'eau parce que les chiffres recensés à Alma, où plus de 60% des élèves fréquentent la CSLSJ, indiquent un taux de bilinguisme chez les 10-14 ans de 13% en 2001,10% en 2006 et 11% en 2011. À l'évidence, depuis 2005 que l'enseignement de l'anglais intensif est dispensé à la CSLSJ, les résultats ne sont pas meilleurs qu'à l'époque ou l'anglais régulier y était enseigné. Toujours selon Statistique Canada, en 2006, 28% des 15-19 ans étaient bilingues à la CSLSJ, alors qu'en 2011, le taux était de 29%. Ailleurs au Saguenay-Lac-Saint-Jean ces chiffres sont passés de 21 à 27%. Dans d'autres régions en province où il n'y a pas d'anglais intensif en
6 e également, comme dans le Bas-Saint-Laurent, 27% des 15-19 ans sont bilingues; en Mauricie et dans le Centre-du-Québec, c'est 36%. Peut-on alors qualifier d'exceptionnel le niveau de bilinguisme atteint en 2011 par les jeunes francophones du Lac-Saint-Jean?

Dans une chronique récente au Quotidien, Myriam Ségal disait qu'au Lac Saint-Jean, l'anglais intensif se pratique sans heurt depuis 20 ans. Mais sans réel avantage en bout de ligne. Et qui sait si cela ne heurte pas la maîtrise du français? Loin de moi l'idée d'empêcher nos jeunes d'apprendre une deuxième langue, même une troisième, mais l'enseignement de l'anglais intensif au dernier cycle du primaire, de surcroit au détriment du français pour y arriver, n'est pas la solution.

Marcel Lapointe, Jonquière.

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