L’intimidation, un mot à la mode par les temps qui courent. Selon le contexte, il prend la forme et la couleur que l’on veut bien lui donner. Par exemple, cette façon de procéder qu’utilise ce matin dans le Quotidien de Saguenay, l’éditorialiste Denis Bouchard. Il sait fort probablement que sa méthode ne n’émouvra en rien les lockoutés du STAA et leurs familles. En revanche, l’opinion publique? Monsieur Bouchard, qui connaît bien son métier, utilise fort bien la formule de la corde sensible pour émouvoir ses lecteurs.
L’affaire Wal-Mart de Jonquière, quel préjudice! Mis à part un Subway dans son coin perdu, qui doit trouver que son affaire ne lève pas vite, qui cela affecte-t-il vraiment? En passant, ce texte risque de se retrouver sur LBR.ca, ce qui donne la chance aux lecteurs qui veulent le commenter de le faire. Contrairement au Quotidien qui semble vouloir s’arroger pour lui seul, la prérogative du droit de réplique. Au Quotidien, la culture du débat ne fait visiblement pas partie des mœurs du journal.
Pour revenir à cette méthode lénifiante d’intimidation de l’opinion publique, monsieur Bouchard argue que le conflit STAA-Rio-Tinto (pardon ! Rio-Tinto-Alcan. La distinction doit s’imposer) ne doit pas prendre l’allure d’une tribune internationale pour discuter d’idéologies qui se télescopent. Faire dévier les enjeux de la négociation sur le droit des humains à des emplois respectables, cela revêt un caractère dangereux pour notre avenir économique au Saguenay-Lac-Saint-Jean.
Quelle occasion faut-il attendre alors? Brasser la cabane au cours du prochain sommet du G20? Difficile quand tout est contrôlé à partir d’un QG de police. Lors d’une prochaine campagne électorale? Avec le cynisme ambiant qui a cours, cela n’intéressera que les initiés. Une idée : passer la commande aux indignés. Dommage! Le mouvement s’effrite. Non! Attendons que la poussière soit retombée pour y voir clair, que les travailleurs soient tous retournés travailler « la queue entre les deux fesses ». Moment où cela n’intéressera plus personne, sauf les principaux intéressés et les initiés.
Le moment choisi pour débattre largement de questions de fond comme les conditions de travail des humains quelles que soient leurs origines, n’est-ce pas lorsque que les caméras et les feux de la rampe sont braqués sur les protagonistes? Les chantres au service d’une multinationale se justifieront toujours d’écrire que le « timing » ne se prête pas à discuter de questions aussi cruciales que les droits syndicaux et les conditions de travail des humains de la planète.
Si Rio-Tinto n’a pas de passé au Saguenay-Lac-Saint-Jean, doit-on pour autant laisser la compagnie décider seule de son l’avenir? Particulièrement, concernant les conditions d’emploi de milliers de travailleurs? Comment rapprocher les parties sous un tir nourri d’obus? questionne l’éditorialiste. Ma foi! Faudrait être aveugle pour ne pas voir dans ce combat, un Golliath en Rio-Tinto-Alcan. La compagnie peut continuer à produire à pleine capacité dans ses autres alumineries, à raison de 2,300 dollars la tonne. Au reste, elle peut se permettre une réduction de sa production, compte tenu du contexte économique moins favorable et en profiter pour réduire ses inventaires. Elle économise sur le salaire des lockoutés. Et l’argent du beurre : elle peut vendre avec profit l’électricité non utilisée durant le conflit. C’est qui l’cave? Rien de comparable avec quelques tirs de semonce lancés par le STAA. Sinon, Rio-Tinto-Alcan répondrait à la demande formulée par le syndicat sur le nombre de jobs qu’elle veut céder à la sous-traitance. Ne serait-ce pas là, l’occasion de relancer la négociation? Mais encore faudrait-il une démonstration de bonne foi de la part du géant pour ce faire.
On nous parle abondamment du salaire des employés en sous-traitance : 14, 15, 18 $ l’heure, sans jamais aborder leurs conditions normatives (congés de toutes sortes, assurances, santé-sécurité, régime de retraite, vacances, etc.). Encore faudrait-il qu’il existe dans les PME sous-traitantes un syndicat pour défendre les intérêts des travailleurs. Ce qui n’est pas le cas de la plupart d’entre elles. Pas un mot également dans l’éditorial sur le laxisme du gouvernement provincial quand il a négocié avec Rio-Tinto les privilèges sur l’eau qui coule, le prêt sans intérêt de 400 millions à la compagnie, mais des vœux pieux concernant le plancher d’emplois.
Non ! messieurs les éditorialistes, présidents de chambres de commerce, élus municipaux frileux et calculateurs et tous les autres « bien-pensants » de même mouture. Ce n’est vraiment pas sur vous qu’il faudra compter pour mettre les véritables débats sur la place publique.
Marcel Lapointe,Jonquière.
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